Un organisme communautaire ne devrait pas avoir à choisir entre former adéquatement son personnel et livrer ses services à sa communauté. Et pourtant ! Dans une lettre publiée dans Le Devoir le 13 septembre dernier, Mylène Fauvel, docteure en sociologie et chercheuse au Groupe de recherche interuniversitaire et interdisciplinaire sur l’emploi, la pauvreté et la protection sociale, soulève un problème que nous, les organismes communautaires autonomes de formation (OCAF) connaissons que trop bien depuis plus d’un demi-siècle : malgré que le milieu communautaire ait besoin de se former pour mieux remplir son importante mission de transformation sociale, il n’en possède ni le temps, ni les moyens financiers.
Ce constat se confirme d’ailleurs dans une récente étude du Centre de recherche sociale et appliquée et du Centre de formation communautaire de la Mauricie : le coût et le temps sont les deux principaux obstacles à la formation des organismes communautaires[1]. Comment pourrions-nous en vouloir à ces organismes communautaires qui priorisent l’amélioration des conditions des populations qu’ils servent, au détriment de leurs propres conditions ? Mais ne disons-nous pas, dans les avions, qu’il faut mettre son masque à oxygène avant d’aider les autres ?
Si le gouvernement du Québec reconnaît l’importance de la formation pour assurer une main-d’œuvre de qualité, celle offerte par les OCAF et destinée aux personnes travailleuses du milieu communautaire tarde à être pleinement reconnue à sa juste valeur. Ce manque de reconnaissance et de financement de la part du ministère de l’Éducation transparaît notamment par l’incapacité, voire le refus, du gouvernement de financer adéquatement les OCAF. Cela se manifeste aussi par l’absence d’une véritable reconnaissance de l’éducation populaire autonome dans les discussions entourant l’éducation au Québec. Avec une vraie reconnaissance et un financement adéquat, les organismes communautaires auraient les moyens de se former, de transférer leurs connaissances à la relève et de pérenniser leur expertise sans craindre l’effondrement de leur organisation.
Le manque de reconnaissance et de financement des OCAF produit également un effet « boule de neige » : même lorsque les organismes communautaires parviennent durement à trouver les ressources nécessaires pour se former, les OCAF peinent à répondre à la demande pour la formation, eux-mêmes aux prises avec des enjeux de manque de main-d’œuvre, directement lié au financement insuffisant. C’est sans compter les demandes croissantes des personnes citoyennes, qui se tournent vers les OCAF pour aller acquérir des compétences leur permettant de s’épanouir et de participer à la société.
L’impact positif des organismes communautaires dans la société n’est plus à prouver. Nous avons vu à maintes reprises comment ils tiennent à bout de bras le filet social québécois. Chacune des personnes travailleuses du milieu communautaire se dévoue chaque jour à rendre le monde meilleur. Aidons-les à aider ! Donnons-leur les chances de se former adéquatement pour se développer et faire face aux défis émergents, notamment la relève de la main-d’œuvre au sein des groupes communautaires. Nous reconnaissons que les défis rencontrés par le ministre de l’Éducation, M. Bernard Drainville, sont nombreux. Le rehaussement du financement pour les groupes communautaires autonomes de formation œuvrant en éducation populaire est essentiel pour garantir leur pérennité et leur développement. Il est temps de poser des gestes concrets pour soutenir ces organismes indispensables.
[1] Étude des besoins de formation des organismes communautaires du Québec, Centre de recherche sociale et appliquée (CRSA) et Centre de formation communautaire de la Mauricie (CFCM), mars 2024.